Gros plan sur ...

Le "dit des trois morts et des trois vifs"

« Tel je fus comme tu es, et tel que je suis tu seras.

Richesse, honneur et pouvoir sont dépourvus de valeur au moment de votre trépas. »

Une scène de chasse classique ?

 

Dans la chapelle des Fontmorand, le visiteur peut admirer ce qui semble être, à première vue, une scène de chasse conduite par trois nobles personnages. Il s'agit d'une chasse au faucon. Deux chiens poursuivent un lapin. Cette activité est réservée à la noblesse.

L'équipement des trois personnages témoigne de leur grande fortune :

Ils possèdent des chevaux richement harnachés, sont armés de dagues ou d'épées, leurs vêtements fourrés d'hermine sont luxueux et leur coiffe est surmontée d’une très longue plume symbolisant leur orgueil.

Les trois morts disparus...

Cette fresque date probablement de la fin du XVe ou du début du XVIe siècle. Mais il ne s'agit pas d'une chasse ordinaire. Elle est tirée du « dit des trois morts et des trois vifs », légende dont les plus vieux manuscrits remontent au 13e siècle. Ce sont des poèmes de Baudoin de Condé, Nicolas de Margival, ainsi que de deux auteurs inconnus.

Le thème est le suivant : trois morts, sortant de leurs tombes, interpellent trois jeunes chasseurs, leur rappelant la brièveté de la vie.

Ici, nos trois chasseurs parviennent à un calvaire. Celui-ci était situé au niveau de la porte de la chapelle. À la gauche de la porte la peinture murale devait représenter trois morts en putréfaction. On remarque que les deux premiers cavaliers, effrayés, détournent la tête, tandis que le faucon prend son envol. Ces trois cadavres sont en fait les doubles des vivants. Ils s’adressent à eux pour les exhorter à se repentir et à préparer leur Salut.

Les trois morts encore visibles non loin de là, à Roussines :

Le même thème se retrouve à une dizaine de kilomètres de Prissac dans l'église Saint-Sulpice de Roussines. Pâlie par le temps, il faut un oeil averti pour distinguer la scène entière. Les trois chasseurs se devinent à gauche, le calvaire est au centre et trois squelettes se tiennent debout sur leurs tombes à droite. On voit encore assez bien les os de leurs jambes et de leurs doigts.

Les trois morts et les trois vifs de Roussines
Les trois morts et les trois vifs de Roussines

Extrait du poème médiéval

La scène disparue peut être imaginée à partir de cet extrait du Dit des trois morts et des trois vifs :

“Le troisième vivant dit : « Beau sire Dieu, c’est piteux et misérable à voir. Hélas, qu’ils sont pourris de corps ! Voyez comme chacun a peu larges la poitrine, le ventre et le dos. Le plus charnu n’est que d’os ; le moins pourri n’a d’entier ni les pieds, ni les jambes, ni les bras, ni les mains, ni le dos, ni le ventre, ni les épaules, ni la poitrine. La mort et les vers y ont fait le pis qu’ils pouvaient ; cela se voit bien à leur bouche, à leur nez et à leurs yeux. Et sur tout eux l’un à l’autre, voyez, tous trois n’ont de cheveux sur la tête, ni œil au front, ni bouche, ni nez, ni visage ; il n’est homme né d’une mère qui ne serait confus de voir cela.

Voyez-les là séchés et roides comme du bois, il n’est resté sur eux aucune chair à prendre : on peut ici apprendre à bien faire ! » ”

 

Dans la région, le même thème est représenté dans l'église saint Sulpice à Roussines (36 ), saint Cyran, au Blanc (36), à Chavin (36) et Antigny (86). Cela atteste de la popularité du thème.